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Channel: L' Affaire Dreyfus
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Section de Statistiques

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La Section de Statistiques a-t-elle joué sa survie
en faisant condamner Alfred Dreyfus en 1894 ?


Le colonel Jean-Conrad Sandherr a pu jouer la survie de son service
en fournissant au général Mercier l'outil de la condamnation
d'Alfred Dreyfus : le dossier secret.




En marge des discussions (voir ce fil de discussion sur notre forum) sur l'attitude du Ministère de la Guerre et de son Ministre, Auguste Mercier, en novembre 1894, c'est-à-dire au moment où l'enquête sur Dreyfus se révélait infructueuse et où la décision fut prise de le mettre tout de même en accusation, il faudrait aussi explorer un élément déjà connu des premiers temps de l'Affaire, mais dont la signification réelle dans ces jours cruciaux du 10 au 25 novembre n'a peut-être pas été assez soulignée : la possibilité d'une remise en cause du rôle des services secrets français, que certains proposaient de transférer au Ministère de l'Intérieur.


Sébastien Laurent, dans son livre Politiques de l'ombre (p. 390-391) signale en effet un entretien avec un "haut fonctionnaire de l'Intérieur" publié le 22 novembre par la France militaire, "organe officieux du Ministère de la Guerre". Dans cet entretien, ledit fonctionnaire, presque certainement issu de la Sûreté générale, proposait de concentrer au Ministère de l'Intérieur toutes les fonctions de renseignements (espionnage et contre-espionnage, donc) sous une seule direction à plusieurs bureaux, dont un bureau comprenant une direction et un personnel d'officiers.


Or cet article ne fut pas sans écho dans la grande presse, comme en témoigne cet entrefilet publié le 23 novembre 1894 dans Le Gaulois, journal monarchiste, antidreyfusard et souvent proche des thèses de l'Etat-major :


« Ilestquestiondeplacerauministère del'intérieurleservicegénéralderenseignementsintéressantladéfensenationale.Ceservicecomprendraittroisbureaux,dontunbureauexclusivementmilitaireayantàsatêteunofficiersupérieur.Eneffet,leministèredelaguerredisposaitautrefois,enpropre,d'unpetitnombred'agentsqu'ilavaitréussiàspécialiser,àexercerhabilementleurrôleàl'étranger.OnyarenoncépourrecourirauxagentsdelaSûreté.Bienqueceux-cinesoientpasaucourantdecertainesparticularitésmilitaires,ilsformentunpersonnelexpert,maisquidoitêtrecontrôlé,sansreleverdediversservices.Onestimemême,àl'état-majorgénéral,quelecréditbudgétairedecinqcentmillefrancspeutamplementsuffireàcetteorganisation. »

Le Gaulois, 23 Novembre 1894, p. 1, col. 6


Placer les officiers de la Section de statistique, puisqu'il ne pouvait s'agir que d'eux, à l'intérieur d'un service plus large numériquement dominé par les agents de la Sûreté et situé au Ministère de l'Intérieur, donc sous le contrôle de ce dernier, aurait évidemment constitué un bouleversement complet des rapports de force entre militaires et civils à l'intérieur des services de sécurité français, et entièrement inversé la tendance constatée depuis Boulanger à la concentration de tous les pouvoirs en ce domaine entre des mains militaires. Une telle mesure aurait aussi constitué un désaveu cinglant de l'action de Conrad Sandherr, chef du renseignement militaire depuis la fin de l'ère Boulanger.


Une dimension de cet  incident mériterait cependant d'être plus mise en valeur: c'est le canal par lequel ce plan de réorganisation administrative fut diffusé, et ce que ce canal impliquait. En effet, si le contenu du plan en question favorisait incontestablement l'Intérieur, les organes qui le rendirent publics étaient proches, non de ce Ministère, mais bien de celui de la Guerre, ce qui rend cette publication très curieuse.


La France militairen'aurait probablement pas imprimé un tel entretien, et le Gaulois, notoirement favorable aux militaires, ne l'aurait pas plus repris, s'il s'était agi seulement d'une prise de position du Ministère de l'Intérieur, sans écho chez les militaires. Mais de toute manière, l'existence de cet écho est explicitement confirmé par la référence à l'"état-major général". L'attaque contre la Section de statistique, loin d'être l'affaire du seul Ministère de l'Intérieur, bénéficiait donc sans doute de la bienveillance, sinon du soutien, de certains au moins des dirigeants du Ministère de la Guerre.


Ces indices de tensions internes aux bureaux du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Dominique ne devraient-ils pas être rapprochés de la prudence relative dont faisait preuve le ministre Mercier au même moment (cf. les entretiens du 17 novembre)? Mercier et de Boisdeffre, le chef d'état-major, ont-ils envisagé quelques jours de libérer Dreyfus et de faire porter la responsabilité politique du fiasco de l'enquête à Sandherr et ses hommes? Le fait est en tout cas que la position de la Section de statistiques se trouva apparemment menacée de l'intérieur même du Ministère de la Guerre, en plein milieu de l'instruction contre Dreyfus. Le fait est aussi que fin novembre, la menace avait disparu sans laisser de trace, et que Mercier et de Boisdeffre commirent l'irréparable.


La date de publication de l'entrefilet du Gaulois (plus que de l'article de la France militaire, hebdomadaire qui pouvait avoir reçu cet article plusieurs jours auparavant) semble indiquer que la Section ne parvint à raffermir sa position, aux dépens de Dreyfus, que dans la dernière semaine de novembre. Nous avons avancé dans notre livre l'hypothèse selon laquelle le dossier secret, sous sa forme étendue incluant les pièces homosexuelles, aurait pu jouer un rôle dans la disparition des hésitations de Mercier, à qui il aurait été montré à ce moment-là seulement. Il est en tout cas certain que la deuxième quinzaine de novembre a été le  moment décisif de la première étape de l'Affaire Dreyfus, un moment sur lequel nous manquons malheureusement encore aujourd'hui d'informations solides.


Pierre Gervais et Pierre Stutin
7 décembre 2012

Étrange paragraphe

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A propos de l'Histoire de la presse française 

de Patrick Eveno





Surprenante lecture en ouvrant le dernier livre de Patrick Eveno, Histoire de la Presse française, de Théophraste Renaudot à la révolution  numérique, chez Flammarion.

L’auteur agrégé d’histoire, est maître de conférences à Paris I, Panthéon-Sorbonne où il enseigne l’histoire des Media. On s’attend donc à du solide. Et on en trouve bel et bien.

Ce livre visiblement orienté vers le grand public entend dresser une histoire chronothématique de la presse en France, richement illustrée avec une iconographie souvent rare. L’ensemble, associé à un texte nécessairement synthétique dans un espace limité d’environ 300 pages, représente une belle somme et paraît tout à fait suffisant pour qui ne recherche pas le détail. On est devant un compromis raisonnable. Et cela se lit bien.


La surprise vient dans les pages consacrées à l’affaire Dreyfus, bien entendu incontournable, dès lors qu’il s’agit  de dresser un historique de ce grand moyen de communication de la fin du XIXe siècle. L’affaire Dreyfus arrive en effet en plein âge d’or des journaux, qui se sont investis très fortement pendant les douze années qu’a duré l’Affaire.

Pour bien comprendre le point qui me laisse perplexe, le mieux est de citer intégralement ce passage étonnant tiré du chapitre « l’âge d’or de la presse française », p. 131 :


« L’affaire Dreyfus

Plus grave encore, au tournant du siècle, l’affaire Dreyfus provoque une crise de la conscience nationale. Près de 100 000 articles (1) ont été publiés dans la presse française sur l’affaire Dreyfus entre l’arrestation du capitaine Alfred Dreyfus en 1894 et sa réhabilitation en 1906. La presse est un des acteurs majeurs de l’Affaire : c’est elle qui la diffuse dans l’opinion, en rythme les rebondissements et en crée les péripéties ; c’est elle enfin qui y met un terme (2). En 1894, une femme de ménage, espionne française employée à l’ambassade d’Allemagne, trouve dans une corbeille à papiers, un bordereau portant la liste des documents qu’un officier d’état-major (3) se propose de vendre à l’Allemagne. Deux officiers sont soupçonnés : le commandant comte Esterhazy et le capitaine Alfred Dreyfus (4). Pour l’armée dominée par des officiers catholiques, aristocrates et monarchistes (5), le choix est bientôt fait. Arrêté le 31 octobre 1894 (6), Dreyfus est condamné par un conseil de guerre, après trois jours de procès, le 22 décembre 1894. »

Voilà, ce n’est pas long, quelques lignes seulement, mais que d’erreurs. J’en retiens six dont la gravité variable s’étend du détail à l’énormité.


(1) 100 000 articles en douze ans dans la presse française ? On aurait donc écrit si peu dans cette énorme affaire qui a fait vendre plus de papier que l’ensemble de toutes les autres affaires de l’histoire de France réunies ? Pendant cette période en effet, une centaine de quotidiens coexistent à Paris, ils sont cent cinquante en Province. Cela nous donnerait une moyenne de 33 articles par quotidien et par an. Malgré l’éclipse de 1895-1896, on peut évidemment tabler sur beaucoup plus, d’autant que les quotidiens publièrent plusieurs articles par jour au paroxysme de l’affaire avec des éditions spéciales pendant les différents procès. Et on ne compte pas ici les innombrables périodiques à fréquence diverse. Evidemment, personne ne s’amusera jamais à compter le nombre d’articles consacrés à l’affaire, mais cent mille, c’est vraiment très peu. Un peu plus de précaution eût été bienvenue sur un sujet non encore défriché.


(2) La presse n'a nullement mis un terme à l’affaire Dreyfus. S’est-elle d’ailleurs terminée en 1906 ? Certainement pas dans la presse qui y consacre encore des milliers d’articles à toutes les occasions. Pour vous dire, on en écrira encore en 1945, à l’occasion du procès Maurras ! C’est la Cour de cassation qui casse sans renvoi le jugement de Rennes en juillet 1906 et qui met un terme officiel à la lutte fratricide de 12 ans entre dreyfusards et antidreyfusards. Et certainement pas la presse.


(3) Plus problématique encore, l’affirmation selon laquelle le bordereau indiquerait la qualité d’officier d’état-major de son scripteur. Or il n’en est rien. Le bordereau ne signale même pas une quelconque appartenance au corps des officiers. Cet argument, involontairement employé ici par Patrick Eveno, est porté par les antidreyfusards pour charger Alfred Dreyfus. C’est une simple déduction, d’ailleurs fausse, l’histoire l’a montré. Car en effet, si l’auteur du bordereau avait été officier d’état-major, cet argument exclurait d’emblée Esterhazy de la liste des suspects. Et nous savons désormais qu’Esterhazy, officier de troupes, était bien l’auteur de cette liste anonyme manuscrite, sans aucun doute possible. Le bordereau ne désignait donc pas un officier d'état-major.


(5) Une hiérarchie militaire catholique et monarchiste ? Je renvoie M. Eveno à un excellent ouvrage qui ne figure pas dans a bibliographie de fin de volume : A. Bach, l’Armée de Dreyfus, Une histoire politique de l'armée française de Charles X à "L'Affaire", Tallandier, 2004. Cela lui permettra de nuancer ses préjugés sur la grande muette au début du XXe siècle.


(6) Une petite erreur, certes, mais qui n’a pas sa place dans un livre d’ambition académique : Alfred Dreyfus n’a pas été arrêté le 31 octobre 1894, mais le lundi 15 octobre précédent. Il est mis au secret pendant deux semaines, et c’est en cette fin octobre que la presse révèle l’existence de cette affaire d’espionnage au public. Le 31 octobre, voilà déjà quinze jours que le capitaine Dreyfus est arrêté !


(4) Enfin j’ai gardé, si on veut, le meilleur pour la fin. On aurait donc eu deux suspects en 1894 : Dreyfus et Esterhazy. Combien de fois ai-je relu cette phrase dans ce chapitre ? J’ai essayé de trouver le sens caché, peut-être, de cette affirmation de Patrick Eveno. A-t-il un scoop ? Aurait-il retrouvé des archives perdues ? S’agit-il d’un trait d’humour mal placé ? Aucune référence ne vient en appui de l’argument ; la bibliographie quant à elle n’apporte aucune information nouvelle. Il faut donc se résoudre à conclure : c’est une bêtise.


Une erreur évidemment, puisque Esterhazy, le véritable auteur du bordereau, n’apparaît qu’en février ou mars 1896, au moment où la section de Statistiques reçoit un télégramme volé à l’ambassade d’Allemagne adressé à cet officier français, le Petit bleu. Ce qui établissait ses relations suspectes. Par conséquent en 1894, personne ne connaissait l’existence du traître, hormis évidemment son officier traitant, le comte de Schwartzkoppen.

Aucune archive, aucun témoignage dans aucune procédure judiciaire, rien n’a jamais pu laisser penser qu’Esterhazy avait été suspecté dès 1894, et j’ignore véritablement comment Patrick Eveno a pu avoir une pareille pensée ?


En conclusion, voilà une affaire que l’on prétend archi-connue, jusque dans ses moindres détails, au point qu’il est inutile (encore !) d’en parler, et qui donne pourtant l'occasion de lire une fois de plus des erreurs parfois importantes, ici sous la plume d'un spécialiste du XIXe siècle, tout de même... Loin de moi cependant l’idée de stigmatiser un auteur, car nul doute que ces erreurs, forcément involontaires, seront corrigées dès lors qu’un nouveau tirage de cet intéressant ouvrage sera lancé.


Pierre Stutin

12 décembre 2012



Une précision

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L'homosexualité dans l'Affaire Dreyfus

Le lieutenant-colonel Alessandro Panizzardi (2e debout) et le colonel Maximilian von Schwartzkoppen (4e debout) entretiennent à la fois des rapports de collusion dans le cadre de leurs activités d'espionnage contre la France, mais aussi des rapports intimes. Cette liaison connue des services secrets français a été indubitablement utilisée contre Alfred Dreyfus. Dès 1894 ? 

Plusieurs de nos lecteurs, à commencer par Vincent Duclert aux Rencontres de l'histoire 2012 à Blois, nous ont affirmé qu'à partir du moment où nous ne sommes pas certains de ce que contenait le dossier utilisé pour faire condamner Dreyfus  au Conseil de guerre de décembre 1894, il nous est du même coup impossible d'attribuer un rôle important, dans l'Affaire, au rapport homosexuel qui liait les deux attachés militaires allemand et italien pour le compte desquels Dreyfus était censé avoir espionné. 
Dominique Kalifa  conclut sa recension dans le supplément Livres de Libération du 8 novembre 2012 de la même manière, en écrivant que notre ouvrage "ne permet pas de conclure que l'homosexualité fut un des ressorts de l'affaire".

Dans notre livre, nous précisons bien que rien ne permet de prouver que le lien homosexuel entre les deux attachés fut utilisé pour convaincre les juges de Dreyfus en décembre 1894. C'est une hypothèse possible, ce n'est pas une certitude. En revanche, nous pouvons prouver :
a) que ce lien fut utilisé dans le dossier secret constitué par les accusateurs de Dreyfus à l'automne 1894 et dont fut tiré les documents soumis aux juges en décembre;
b) que ce lien influença certains acteurs clés de l'Affaire par la suite.

Nous savons que les contre-espions français employèrent la liaison des deux attachés comme arme, et ce dès 1894, parce que la partie de la correspondance des deux attachés qui fut dévoilée plus tard incluait des allusions à cette liaison, et qu'en plus cette correspondance incluait dès le départ d'autres pièces, non dévoilées au public, qui explicitaient cette dimension. Ces pièces sont identifiables dans toutes les versions ultérieures du dossier, comme nous le prouvons dans notre travail. Et cette partie du dossier ne perdit rien de son importance à mesure que ce dernier augmentait de volume : plusieurs faux rajoutés par les services secrets après 1896 jouaient délibérément sur la liaison sexuelle entre les deux hommes.  

Nous savons aussi que cette arme influença certains acteurs clés de l'Affaire. Le sous-chef d'Etat-Major et supérieur hiérarchique de la Section de statistique (le service d'espionnage et de contre-espionnage français qui accusa Dreyfus), le général Arthur Gonse, y fait explicitement allusion en 1897, et il en va de même pour le capitaine Cuignet, principal responsable de l'enquête sur l'affaire Dreyfus au Ministère de la Guerre en 1898-1899.  Ces deux références (il y en a d'autres, moins directes) confirment que la liaison homosexuelle des deux officiers faisait bien partie du dossier, et qu'elle joua un rôle.

Ce que nous ne savons pas, et ne saurons peut-être jamais, c'est si cette arme fut essentielle ou seulement accessoire. Des présomptions existent permettant de penser qu'elle fut essentielle. Mais aucune version incontestable du dossier présenté au Conseil de guerre en décembre 1894 n'existe à l'heure actuelle. Ou, pour le dire autrement, nous ne connaissons toujours pas précisément le mécanisme de cette condamnation de décembre 1894. La rareté des références à l'aspect homosexuel du dossier peut signifier que cet aspect n'a joué qu'un rôle accessoire, ou au contraire qu'il s'agissait d'un élément tabou, et de ce fait d'une extrême importance.

Ce qui est en débat, c'est donc l'évaluation de l'impact réel de la révélation du lien homosexuel des deux officiers. Ce lien n'est pas contestable ; sa révélation, c'est-à-dire son insertion dans le dossier par les accusateurs de Dreyfus, n'est pas contestable non plus, pas plus que le fait que cette insertion fut notée par certains des principaux acteurs. Il y a eu volonté d'exploitation, impossible de le nier aujourd'hui. Nos critiques estiment que cette volonté fut toute temporaire, et son influence marginale. Mais même dans ce cas l'hostilité à l'homosexualité fut bien un ingrédient de l'Affaire, sinon l'un de ses ressorts, et cela nous semble maintenant établi au-delà de tout doute possible.

Pierre Gervais, Pauline Peretz et Pierre Stutin
21 décembre 2012

Livre

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LE DOSSIER SECRET DE L'AFFAIRE DREYFUS
Crédit photo : Guillaume Stutin - 2012
L’affaire Dreyfus réserve encore des surprises. Trois chercheurs ont rouvert les archives conservées au Service Historique de la Défense et aux Archives nationales pour reconstituer le Dossier secret produit par la Section de statistiques – le service d’espionnage et de contre-espionnage militaire français – afin d'accabler le capitaine Dreyfus.

Transmis aux seuls juges du Conseil de guerre, caché à l’accusé comme à ses défenseurs, le Dossier secret fut augmenté de faux et de pièces incohérentes au fur et à mesure que s'amplifiaient la protestation contre l’iniquité du procès et les demandes de révision. Sa fabrication (près de 500 documents) trahit les obsessions des responsables de la Section. À la xénophobie et à l’antisémitisme s’ajoutent la hantise du cosmopolitisme et de l’homosexualité, rappelant les fantasmes et les procédures accusatoires de l'Inquisition.
Les trois chercheurs ne se contentent pas de révéler une histoire jusqu’à présent ignorée des récits officiels. Ils renouvèlent la méthode en s’inspirant des techniques mises au point par les médiévistes pour l’analyse des manuscrits anciens et des procès. Et nous plongent, au rythme d’un roman d’espionnage, au cœur du Paris de la Belle Époque. 
Enfin, on trouvera dans la page de présentation de ce livre, des documents complémentaires que les auteurs ont jugés dignes d'intérêt.

Pour que chacun puisse prendre connaissance du contenu de ce Dossier secret et prendre la mesure de sa vacuité, les auteurs ont voulu que l'ensemble des pièces qui le constituent soient accessibles au public. A cette fin, ils ont encouragé le Service historique de la Défense à mettre en ligne l'intégralité du Dossier, bientôt consultable à l'adresse suivante : site Internet du SHD

En attendant la fin de cet important projet, il est possible de visualiser 80 cotes d'archives numérisées issues du dossier secret, celles qui sont citées dans le livre.

La transcription intégrale du Dossier secret est directement accessibles dans la rubrique qui lui est consacrée sur le présent site Internet. Ce document de 620 pages est librement téléchargeable.



Parution 11 octobre 2012





Procès de Rennes

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Nouveau 

Numérisation des minutes 
du Procès de Rennes 

Tome 1


Le procès de Rennes est l'un des grands moments publics de l’affaire Dreyfus avec le procès d’Emile Zola en février 1898, lequel s’était déroulé un an et demi plus tôt. Le procès de Rennes a lieu quant à lui en août et septembre 1899. Nous en livrons le premier volume numérisé en mode texte intégral sous la forme d'un PDF.

Cliquer sur l'image pour accéder au
Tome 1er des minutes
sténographiques du procès de Rennes
Après le suicide du lieutenant-colonel Joseph Henry le 31 août 1898, à la suite de la découverte de son faux, il n’est plus possible de reculer encore le réexamen du procès de 1894 ayant condamné Alfred Dreyfusà la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée. 
Ce faux Henry ainsi que neuf autres moyens sont présentés par la défense de Dreyfus à la Cour de cassation toutes chambres réunies, qui en retient deux. Ces faits nouveaux entraînent la cassation du premier jugement le 3 juin 1899, et le renvoi vers un nouveau conseil de guerre qui se tient cette fois dans la capitale bretonne.

Dans une ambiance lourde et une chaleur accablante, le procès s’ouvre dans le lycée de Rennes transformé en tribunal pour l’occasion, préféré aux entrepôts du marché. Heureusement, les débats se tiennent de six heures du matin jusqu'aux environs de midi, ce qui permet de profiter encore de la fraîcheur du petit jour.

Les débats ont été intégralement sténographiés par plusieurs équipes de spécialistes. L’une est administrative ; elle est chargée de réaliser un compte-rendu officiel pour le compte du ministère de la guerre. 
Une autre est engagée par le Figaro, qui a le temps de publier chaque soir, en édition spéciale, le compte-rendu du matin même, en raison de ces débats matinaux. 
Enfin une dernière équipe travaille pour l’éditeur Stock qui publie ce compte-rendu en trois volumes dès le début de l’année 1900.

C’est donc l’édition Stock que nous avons numérisée et que nous livrons en consultation et téléchargement libre et gratuit.
Comme on nous en a fait la remarque, nous précisons qu'il s’agit bien travail inédit. Il existe des versions sur Internet de ces volumes, mais celles-ci sont en général des versions « image », dont le texte n’est pas numérisé. Il est donc impossible d’y faire des recherches dans le texte. Ou bien alors, une OCR* a été réalisée, mais elle est brute et contient de nombreuses erreurs typographiques, voir des lacunes importantes dans le texte. Dans tous les cas les recherches sont complexes et ne permettent pas une optimisation des moyens informatiques contrairement à notre version.
Le 7 août 1899, le procès de Rennes s'ouvre devant une salle comble. Alfred Dreyfus, affaibli par cinq années de captivité dans les conditions les plus dures, apparaît debout à droite, devant ses avocats.

Ce premier volume, les débats du 7 au 21 août, est riche puisque outre l’interrogatoire d’Alfred Dreyfus, il rapporte les interventions de vingt-quatre autres témoins, pratiquement tous les protagonistes de l’Affaire. 
Deux grands absents toutefois : le commandant Walsin Esterhazy qui s’est exilé en Grande Bretagne près de Londres, car il est sous le coup de poursuites liées à une escroquerie perpétrée à l’encontre de son neveu Christian, ainsi que le lieutenant-colonel Armand du Paty de Clam, qui s’est fait excuser pour maladie, et qui ne viendra pas déposer au procès de Rennes. Il sera toutefois interrogé sur commission rogatoire (v. tome 3, p. 503), lecture faite lors de la 22e audience du 6 septembre 1899.
D’un côté, les antidreyfusards (dix-sept) interviennent majoritairement, avec en premier lieu pas moins de cinq anciens ministres de la guerre (Mercier, Billot, Chanoine, Cavaignac, Zurlinden). 
Ces témoins se présentent pour charger le capitaine Dreyfus, avec pour certains d’entre eux, des dépositions qui s’apparentent à de véritables réquisitoires, comme ceux des généraux Mercier et Roget, mais aussi du capitaine Louis Cuignet ou encore d’anciens camarades d’Alfred Dreyfus ou des membres de la section de statistiques (Lauth, Gribelin, Junck).


Célèbre une du Petit Journal,
supplément 
illustré, du 27 août
1899, illustrant la tentative

de meurtre contre
Fernand Labori.

Source Gallica.bnf.fr
En revanche, quelques militaires courageux viennent contester la version de l’état-major, avec en premier lieu le colonel Georges Picquart, héros oublié, ancien chef des services secrets militaires, qui brise sa carrière en prenant le parti de l’accusé. 
Par ailleurs, le juge d’instruction Paul Bertulus vient aussi raconter les étranges scènes dont il a été le témoin dans son bureau, scènes tellement gênantes pour l’état-major que l’on fait intervenir la veuve du colonel Henry dans une scène mélodramatique lors d’une confrontation restée célèbre. 

Ce premier tome voit aussi se dérouler un coup de théâtre dramatique au début de la 3e audience  du lundi 14 août, puisque pratiquement « en direct », on apprend avec Me Demange et le Président du Conseil de guerre, le colonel Jouaust, la tentative d’assassinat dont vient d’être victime l'autre défenseur d’Alfred Dreyfus, Fernand Labori, au moment où son épouse, Marguerite, entre en pleine audience pour réclamer du secours pour son mari. L’avocat, atteint d’une balle dans le dos, réussira à reprendre sa place au bout d’une semaine de convalescence. Mais son absence de plusieurs jours l’empêche d’intervenir à certains moments cruciaux des débats.

Les autres volumes du compte-rendu sténographiques du procès de Rennes suivront au fur et à mesure de leur achèvement.



* OCR : Reconnaissance optique de caractères

P. Stutin 
9 janvier 2013

TELEVISION

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L'AFFAIRE DREYFUS SUR LE PETIT ECRAN


France 3  a consacré le lundi 4 mai dernier, une soirée consacrée à l'affaire Dreyfus dans le cadre de l'émission de Franck Ferrand, l'Ombre d'un doute. Il s'agit du premier documentaire diffusé sur ce thème à une heure de grande écoute depuis plusieurs décennies. Emission pour laquelle notre petite équipe d'historiens a été mise à contribution.





Le dossier secret de l'affaire Dreyfus est une émission toute entière consacrée à l'affaire Dreyfus, qui divisa la France de 1894 à 1906. Alfred Dreyfus, accusé à tort d'espionnage au profit de l'Allemagne avait fait l'objet d'un acharnement hors du commun dans le cadre d'une véritable conspiration d'état.


Robert Badinter, invité de l'émission Le dossier secret de l'affaire Dreyfus.

L'équipe de production de l'émission mensuelle d'histoire diffusée sur France 3 le premier lundi de chaque mois a fait appel à plusieurs spécialistes et témoins pour raconter cette affaire. De nombreuses recherches, notamment dans le domaine iconographique, ont été nécessaires afin d'illustrer au maximum une narration détaillée.

Une première est à signaler : pour la première fois à l'écran, les archives de l'affaire sont dévoilées, et notamment le fameux dossier secret de l'affaire Dreyfus, jamais filmé auparavant. 


Pauline Peretz présente le dossier secret de l'affaire Dreyfus archivé au Fort de Vincennes.


Plus d'informations avec des extraits de l'émission sur le site de France 3 :




Nous tenons à remercier l'équipe de production, Franck Ferrand,  Alexandra Ranz, auteure et réalisatrice, Pauline Langevin, journaliste, et toute l'équipe ayant participé à la conception de cette émission.

Pierre Stutin
27 avril 2015




J'accuse : La bande Annonce

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L'AFFAIRE DREYFUS AU CINEMA



Le prochain long métrage de Roman Polanski évoquant l'affaire Dreyfus, au travers du personnage de George Picquart incarné par Jean Dujardin, sortira le 13 novembre prochain. Voici la bande annonce ainsi que deux extraits du film. Nous reviendrons sur cette production après visionnage.





La bande annonce




Le verdict rendu à Rennes


L'agression de Picquart par Esterhazy


PARUTION

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Le faux ami du capitaine Dreyfus 

de Philippe Oriol



L’historien spécialiste de l’affaire Dreyfus, Philippe Oriol, publie un ouvrage singulier à l’encontre d’un héros de l’affaire : le lieutenant-colonel Marie-George Picquart. Une publication qui arrive quelques semaines avant la sortie de J’accuse, le film de Roman Polanski, qui place justement au premier plan, le colonel Picquart.




Disons le d’emblée, on ressent un certain malaise à la lecture de ce petit livre de quatre chapitres. Non pas sur le contenu, mais plutôt sur l’intention. Car l’idée derrière ce livre, c’est bien de contester l’approche du cinéaste, en lui faisant un procès d’intention sur sa vision de l’affaire Dreyfus au travers du personnage de Picquart.

Je dis procès d’intention car l’auteur n’a évidemment pas vu le film avant de produire son ouvrage, puisqu’il se base avant tout sur le roman de Robert Harris, cité à plusieurs reprises, pour justifier ses propos. Or le personnage de Picquart est bien plus approfondi par Polanski que par Harris. Et par là, les critiques de M. Oriol tombent souvent à plat.


PICQUART DANS L’AFFAIRE DREYFUS


On le sait, Roman Polanski et Robert Harris ont choisi de raconter l’affaire Dreyfus par le truchement du lieutenant-colonel Picquart. Présent à tous les moments forts de cette affaire, de son tout début à son extrême fin, il est l’un des personnages les plus emblématiques de cet extraordinaire événement de la fin du XIXe siècle.

Mais aujourd’hui, ce soldat qui fut une star de son vivant, a été totalement oublié. C’est Emile Zola qui a pris toute la lumière au travers de son célèbre J’accuse… !Le rôle de Picquart s’est peu à peu estompé devant la figure de l’écrivain, resté seul héros de l’épopée auprès du grand public.


L’intervention du colonel Picquart dans l’affaire Dreyfus n’est pas linéaire. On peut en effet identifier quatre phases dans la participation de Picquart à l’affaire Dreyfus.


La première période, c’est un temps d’officier modèle, d’officier parfait, qui non seulement obéit aux ordres, mais les devance. En septembre 1894, il prête la main aux enquêteurs contre l’espion auteur du bordereau. Il aide à identifier Dreyfus, il introduit le capitaine lors de la scène de la dictée, il assiste à l’intégralité du procès du Cherche-Midi, il assiste à la dégradation et rend compte à ses chefs à tout moment. Nommé chef de la section de statistiques en juillet 1895, il poursuit les investigations contre Dreyfus sans état d’âme, ainsi que la surveillance de la famille. Il est à ce moment partie intégrante de l’équipe d’accusateurs et accusateur/persécuteur lui-même.


Une seconde phase s’ouvre, non pas lorsque Picquart découvre le petit bleu, un télégramme non expédié par l’attaché militaire allemand von Schwartzkoppen, révélant l’identité du commandant Esterhazy ; mais plutôt lorsqu’à l’été 1896, Picquart fait le rapprochement entre l’écriture d’Esterhazy et celle du bordereau. A partir de ce moment, il tente de convaincre ses chefs d’agir pour régulariser la situation juridique en poursuivant Esterhazy et en élargissant Dreyfus. Mais sans s’en rendre compte, Picquart se débat dans le vide, jusqu’au limogeage qui le frappe en novembre 1896. Il est écarté de l’état-major général et finalement envoyé au loin, en Afrique du Nord. C’est son échec majeur.


Le troisième temps se produit quand à l’automne 1897, de retour d’Afrique, Picquart se confie à son ami Leblois et relance l’affaire - volontairement ou involontairement – on ne le saura jamais. A partir de ce moment, il prendra une part active dans les procédures judiciaires successives jusqu’à l’automne 1899. Ce qui l’amènera à cumuler 11 mois de préventive dans différentes prisons.

Sans avoir été à aucun moment proche de la famille Dreyfus, il témoigne courageusement à chaque occasion qui lui est donnée de le faire. Toutefois, son caractère intransigeant apparaît pendant le procès de Rennes, rejoignant Labori dans un jusqu’au boutisme excessif.


Le quatrième temps, c’est la rupture, issue de l’acceptation de la grâce par Alfred Dreyfus, puis par la loi d’amnistie votée en 1900. A partir de ce moment, la fureur de Picquart s’exprime ouvertement à l’égard des « tièdes » c’est-à-dire la famille Dreyfus et ses alliés, qu’il finit par profondément mépriser. C’est un moment difficile pour Picquart, chassé de l’armée, sans emploi, obligé d’écrire des articles dans quelques journaux pour subsister pendant sept ans, jusqu’à sa réintégration dans l’armée en 1906, puis sa nomination au rang de ministre de la guerre la même année.


Le ressentiment qu’il exprima à ce moment-là, y compris au travers d’un antisémitisme sans frein, n’était que le résultat d’une frustration, issue du sentiment de l’inutilité de son combat et de son sacrifice. Il reprochera aussi au camp dreyfusard l’absence d’aide matérielle dont il se sent victime.


ETRANGE CRITIQUE DE PICQUART


C’est en fait sur le dernier temps de la participation de George Picquart à l’affaire Dreyfus que repose principalement l’ouvrage de M. Oriol. Le moment où véhément, l’officier s’est laissé aller à une vindicte excessive contre son propre camp.


Toutefois, personne n’a jamais prétendu que Picquart fut ami de Dreyfus. Peut-être qu’Alfred Dreyfus eût aimé cette perspective, mais cela ne s’est pas produit. Il y eut cependant beaucoup d’estime entre les deux hommes jusqu’à la rupture de 1899.

Reste que l’historiographie est claire depuis des décennies. Picquart est toujours présenté comme un homme froid, hautain, distant, doté d’un complexe de supériorité mâtiné d’une certaine candeur.

Le livre de Philippe Oriol n’apporte rien de neuf sur ce plan.


Plus encore, l’antisémitisme de Picquart n’est pas une découverte de M. Oriol. Emile Zola lui-même l’annonce dans J’accuse… ! : « Le joli de l’histoire est qu’il est antisémite». C’était donc connu depuis l’apparition même de ce personnage dans le débat ! Mais cet antisémitisme ne se révèlera effectivement qu’après la grâce de Dreyfus.


Le plus curieux, dans le livre de M. Oriol, c’est cet entêtement à dénigrer le travail de Robert Harris, romancier et co-scénariste de J’accuse. Qu’y a-t-il d’anormal à romancer dans un roman ? Pense-t-on qu’il est possible de raconter exactement cette affaire dans un récit de 300 pages ? Cette candeur interroge.


Au contraire, et sans doute involontairement, M. Oriol valide même un apport novateur de Robert Harris : la liaison entre le colonel Picquart et Pauline Monnier. Jusqu’ici, l’historiographie était très peu diserte sur cette accusation portée par le cabinet noir de la Section de statistique. On prenait alors ce sujet comme une opération de vengeance et de déstabilisation de Picquart par la petite équipe d’officiers compromis. Même le biographe de Picquart, Christian Vigouroux, me confiait il y a quelques années qu’il n’y croyait pas lui-même.

Ici, M. Oriol nous annonce que cette liaison est véridique, en se basant toutefois sur très peu de matière, comme des ragots de la préfecture de police connus depuis des lustres et une lettre du Père Du Lac. Evidemment tout est possible mais on attendrait un peu plus d'indices afin d'assoir une conviction.


En conclusion, nous sommes devant ce qui apparaît bien comme un ouvrage opportuniste qui se veut une réponse à la vision de Picquart projetée par Robert Harris dans le cadre d’un roman destiné à un public anglo-saxon.

Le problème pour M. Oriol, c’est qu’il est parti du principe que Roman Polanski allait coller au contenu du roman, ce qui n’est pas le cas.

Si le cinéaste a bien conservé la trame globale du romancier, le personnage de Picquart est beaucoup plus proche de la réalité connue dans l’adaptation cinématographique, avec l’exposition de nombreux traits de caractère qui n’existent pas dans le roman.

La minutie du réalisateur s’exprime aussi pleinement dans de nombreux détails narratifs, absents du roman.


Était-il nécessaire de publier un mini-pamphlet anti-Picquart avant d’avoir visionné le film ? Au risque de voir son travail en partie démenti ? Au risque de voir le public ou les media mal interpréter ce livre (cf l’interprétation calamiteuse du FaceBook de France Culture) ?

Est-il enfin indispensable d’altérer le personnage de George Picquart, qui fut, quoi qu’on puisse en dire, un combattant parmi les indifférents, un homme courageux parmi les lâches, un homme d’honneur parmi les veules ?

Que faut-il donc de plus pour faire un héros ?




Le faux ami du capitaine Dreyfus - Picquart, l'affaire et ses mythes, Philippe Oriol, Grasset, 2019

Pierre Stutin - novembre 2019

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